1960: Rocco e i suoi fratelli (Rocco et ses frères)
Simone (Renato Salvatori) et son manager Morini (Roger Hanin)
Ce recueil de textes est extrait du Dossier de presse de la filmographie viscontienne, paru dans la revue Cinéma 76, numéro 211.
" Ce sera une tragédie: la désagrégation d'une famille du Sud qui n'arrive pas à s'adapter aux conditions de la vie du Nord; un drame actuel car l'incommunicabilité entre ces deux régions de l'italie persiste d'une manière inquiétante." " A travers les particularités absolument imaginaires de mes personnages et de l'histoire, je crois avoir posé un problème moral et idéal typique pour le moment que nous vivons, typique aussi pour l'état d'esprit des hommes du Midi: d'un côté l'espérance, la volonté de renaissance, de l'autre le reflux constant (compte tenu de l'insuffisance des remèdes) vers le désespoir ou vers des solutions absolument partielles comme l'intégration individuelle de chaque méridional dans un mode de vie qui lui serait imposé de l'extérieur."
Luchino Visconti
Film du temps, Rocco est une méditation sur le
juste et l'injuste, sur la discorde et sa nécessité. On pourrait parler d'Héraclite, du
temps qui pousse les pions. Le scénario pose la question: sont-ils seulement des pions?
Les chemins divers que prennent les cinq frères sont autant de réponses, je ne dis pas
de solutions. Beaucoup d'éléments répondent qu'il faudrait vivre dans un autre temps,
avoir barre sur lui, non plus l'expliquer mais le changer.
(François Weyergans. Cahiers du Cinéma n°119)
Rocco, au contraire, vise d'abord à suivre les
personnages dans leurs conditions d'existence, puis à peindre le drame qui en découle,
la beauté étant saisie comme par hasard. Le but, là, est de montrer que la possible
beauté paradisiaque de cette terre ne peut être cherchée ni dans l'idéal, ni dans le
déchaînement des instincts ni dans l'acceptation morne du quotidien, mais au contraire
dans la lutte pour l'amélioration des conditions d'existence, supprimant du même coup la
source du déchirement.
(Cahiers du cinéma. n°131)
L'accumulation des réminiscences culturelles tend seulement
à faire de Rocco la "somme" de toute la carrière de Visconti: au
thème familial des Malavoglia et de la Terre tremble s'ajoutent
celui de la mère de Bellissima, celui de l'influence dostoïevskienne des Nuits
blanches tandis qu'on perçoit en profondeur l'exigence de la structure
mélodramatique- lyrique (révélée avec Senso) à laquelle l'artiste
s'attache comme au meilleur de la tradition italienne du spectacle.
(Giuseppe Ferrara. Visconti)
Pour Visconti, Rocco est une "tragédie
réaliste". Traduite dans un langage moins noble, cette appellation contradictoire,
qui définit bien l'aspect éclectique du film, signifie "mélodrame",
dans le sens français du terme, avec viol, meurtre, perversion, déchéance et aussi
beaucoup de larmes. Rocco se rapproche par là des mélodrames populaires du
siècle dernier. Quoique mené de main de maître, il est esthétiquement sans nouveauté,
plastiquement contestable et rempli de lieux communs.
(Yves Guillaume. Visconti)
A propos de langage, on peut observer qu'ici Visconti n'a pas
réussi à résoudre de manière satisfaisante le traditionnel problème du contraste
entre langage parlé et langage écrit.
(Giulio Cesare Castello. Luchino Visconti)
Mélodrame et réalisme ne sont d'ailleurs que des moyens de
saisir à travers l'histoire d'une famille l'aspect déterminé d'une société en état
de crise. L'ambition est grande, on le voit, et n'est pas sans rappeler celle des
romanciers du XIXe et du XXe siècle. On a cité à propos de Rocco
Dostoïevski, Thomas Mann et Giovanni Verga. Visconti, parlant de son film, le qualifie
lui-même de "Buddenbrok milanais". Simple analogie de situation ou de
personnages? La comparaison va plus loin: elle doit se faire également au sujet de la
construction de l'uvre.
(Alain Marie. Études cinématographiques n°26-27)
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