1954: SENSO
Quatrième de couverture de la revue "Mon Film" n°505 du 25 avril 1956:
Livia (Alida Valli)
Ce recueil de textes est extrait du Dossier de presse de la filmographie viscontienne, paru dans la revue Cinéma 76, numéro 211.
" J'ai fait sauter les sentiments exprimés dans le Trouvère de Verdi par dessus la rampe, dans une histoire de guerre et de rébellion."
Luchino Visconti
" C'est cela l'histoire de Senso, un mélodrame: c'est
pourquoi j'ai commencé par la séquence du théâtre...
J'ai toujours pensé à Stendhal. J'aurais voulu faire La Chartreuse
c'était là mon idéal. Si on n'avait pas fait des coupures dans mon film - et si on
l'avait monté comme je voulais - c'était vraiment Fabrice à la bataille de Waterloo.
Fabrice passant derrière la bataille. Et la comtesse Serpieri a eu pour modèle la
Sanseverina...."
(Entretien avec Visconti, Cahiers du Cinéma, n°93)
" Le final primitif, lui aussi, était très différent. Je l'ai
tourné effectivement la nuit dans une rue du Trastevere, celle-là même où Livia court
et crie dans la seconde version. Mais la première ne se terminait pas par la mort de
Franz. Nous y voyions Livia passer parmi des groupes de soldats ivres, et toute la fin
montrait un petit soldat autrichien, très jeune, seize ans à peu près, complètement
ivre, appuyé contre un mur, et qui hurlait une chanson de victoire, comme celle que l'on
entend dans la ville. Puis il s'arrêtait, il pleurait, il pleurait, il pleurait et criait
"Vive l'Autriche".
(Entretien avec Visconti. Cahiers du Cinéma, n°93)
Ce que Visconti met en ses héros, ce n'est pas seulement des
caractères; il en fait les symboles d'une double décomposition sociale, celle de
l'aristocratie italienne, précisément ici vénitienne, louvoyant pour se maintenir entre
la collaboration avec l'occupant et les courants de résistances qui s'organisent, celle
aussi de la caste militaire autrichienne, fin d'une société dont le charme a déjà le
goût des cendres.
(Pierre Leprohon. Le Cinéma italien)
Chaque séquence et chaque décor ont leur propre tonalité,
inspirée souvent par des styles différents qui témoignent de la connaissance qu'a
Visconti de la peinture du 19ème siècle.
(Geoffrey Nowell-Smith. La Revue du Cinéma n°237)
La grandeur de Senso, comme celle de Sandra,
consiste à montrer le hiatus - mortel - entre la vision et la réalité, sans céder à
la tentation décadente de transfigurer cette réalité avec une rhétorique de la poésie
pure.
(Yves Guillaume. Visconti)
L'homme, Franz, se contente de prévoir rationnellement le déclin,
et de le contempler; la femme, Livia, participe au développement des temps nouveaux de
tout son instinct, de tout son sentiment, mais elle est trahie par sa nature même. Le
symbole des temps nouveaux est son cousin, le marquis Ussoni, en qui se réunissent le
peuple et les éléments les plus conscients de la haute classe.
(Giulo Cesare Castello. Luchino Visconti)
Tandis que La Terra trema et Bellissima
se projetaient avec force sur l'extérieur, directement sur la société contemporaine, Senso
illustre, aussi noblement que ce soit, le repli du néo-réalisme sur lui-même, passage
du dialogue avec la société au dialogue avec la culture.
(Giuseppe Ferrara. Visconti)
Visconti s'est-il souvenu des tachistes florentins, des macchiaioli
qui furent impressionnistes dix ans avant Cézanne, et presque fauves parfois? C'est
probable mais nous croyons aussi à une inspiration théatrale. Visconti a une double
carrière: théâtre et cinéma. Il est habitué à penser les décors en terme de
couleurs et de lumières.
(Borde et Bouissy. Le néo-réalisme italien)
Utilisant simultanément la musique descriptive, le monologue,
la composition colorée picturalement, Visconti nous offre en fin de compte un film qui
opère la synthèse du naturalisme, du réalisme et du romantisme, qui est construit sur
la toile de fond de l'Histoire et combine les soubresauts de la vie avec le mouvement à
vives ellipses du théâtre et celui, plus empesé, de l'opéra.
(Freddy Buache. dans "Visconti" par Giulo Cesare Castello)
De Senso, je dirai, inversement, qu'il révèle
le réalisme du théâtre. Non seulement parce que Visconti nous en propose le thème dès
le départ avec cet opéra dont l'action, passant la rampe, se transporte en quelque sorte
dans la salle, mais parce que le recul historique et toutes ses conséquences, surtout
dans les milieux aristocratiques et militaires, est ressenti d'abord pour son pittoresque
décoratif et spectaculaire.
(André Bazin. Qu'est-ce que le cinéma? Tome IV. Le néo-réalisme)
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