Avant la nuit des longs couteaux, les SA s'amusent à fusiller
des effigies en bois de leurs ennemis politiques.
Ce recueil de textes est extrait du Dossier de presse de la filmographie viscontienne, paru dans la revue Cinéma 76, numéro 211.
" Vous me reprochez d'avaliser une interprétation du nazisme comme perversion sexuelle, ce qui serait historiquement peu crédible ou, du moins, tendancieux et simplificateur? Le nazisme était totalement négatif mais pour faire un film sur le nazisme, il faut prendre un petit fragment, et j'ai pris une famille, dans cette famille j'ai voulu déchainer les instincts les plus bas, les moins nobles, et c'est un exemple, le nazisme n'est pas là en entier: le nazisme a eu également d'autres aspects, mais je les ai laissés de côté."
L'art (raffiné et affiné) atteint
dans les Damnés les plus hauts sommets: dans la première
partie et, spécialement, dans l'incomparable final, ce mariage de
deux morts-vivants: le nouveau riche Friedrich et Sofia Essenbeck désormais
folle. Et précisément, comme dans Mort à Venise,
les
Damnés de Visconti nous proposent à nouveau une "assimilation
de l'art avec la maladie": deux formes communes de la décadence.
Une fois de plus après Senso
et
Le Guépard, le descendant des ducs de Milan décrit
un monde qui est le sien avec une amère et impitoyable lucidité,
mais aussi avec une fascination dont il ne peut se défaire.
Explorateur des profondeurs, Visconti utilise
la caméra comme un instrument capable de tester le monde des apparences
qu'il interroge inlassablement jusqu'à ce que d'imperceptibles fissures
révêlent cet envers du monde visible, cette réalité
dissimulée derrière la frange conventionnelle des manières,
gestes, attitudes communément répandus. Si les Damnés
est une oeuvre capitale sur l'avènement du nazisme, ce n'est donc
pas seulement par la pénétration de l'analyse marxiste d'une
situation historique précise mais par l'exploration simultanée
de cette réalité seconde en puissance derrière le
réel, le rongeant souterrainement dans un ultime déferlement.
Rien n'est gratuit dans les Damnés,
tout repose sur une recherche minutieuse des données historiques
et la reconstitution d'un climat. On peut donc parler de réalisme.
Et aussi de lyrisme, bien sûr, dans la mesure où l'art de
Visconti confère au film une puissance rarement atteinte au cinéma...
... Création d'une atmosphère épaisse et lourde
de drame par d'amples et lents mouvements d'appareil, par une direction
d'acteurs sans faiblesse, par la richesse des décors et l'utilisation
de la couleur, c'est là que réside tout l'art de Visconti.
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